My absolute darling – Gabriel Tallent #Rencontre

« My absolute darling » a été élu meilleur roman US de l’année par le magazine America alors même qu’il s’agit du premier roman de Gabriel Tallent. Intriguée par ce succès, je n’ai pas pu résister à l’envie de le découvrir et grand bien m’en a pris car ce livre fut une véritable révélation pour moi!

Le livre : « My absolute darling »

Crédit photo : L&T

L’auteur : Gabriel Tallent est un jeune auteur américain de 31 ans. Il a mis huit ans à rédiger « My Absolute Darling », son premier roman qui a aussitôt été encensé par la critique et fait partie des meilleures ventes aux États-Unis. Pour le suivre, c’est ici.

Le résumé : « À quatorze ans, Turtle Alveston arpente les bois de la côte nord de la Californie avec un fusil et un pistolet pour seuls compagnons. Elle trouve refuge sur les plages et les îlots rocheux qu’elle parcourt sur des kilomètres. Mais si le monde extérieur s’ouvre à elle dans toute son immensité, son univers familial est étroit et menaçant : Turtle a grandi seule, sous la coupe d’un père charismatique et abusif. Sa vie sociale est confinée au collège, et elle repousse quiconque essaye de percer sa carapace. Jusqu’au jour où elle rencontre Jacob, un lycéen blagueur qu’elle intrigue et fascine à la fois. Poussée par cette amitié naissante, Turtle décide alors d’échapper à son père et plonge dans une aventure sans retour où elle mettra en jeu sa liberté et sa survie. »

Mon avis : Ce roman est poignant de bout en bout. Il traite de l’histoire de Turtle, une jeune fille d’environ 14 ans qui a perdu sa mère très jeune et a été élevée dans un environnement exclusivement masculin : entre son grand-père vétéran alcoolique finissant ses vieux jours dans un mobil home décrépi et son père un colosse survivaliste qui prépare Turtle à la fin du monde. Cette atmosphère familiale déteint inévitablement sur la jeune fille qui est sauvage, isolée et qui développe une passion pour les armes à feu, d’ailleurs ardemment entretenue par son paternel.

Le père de Turtle va se révéler être un prédateur de la pire espèce. En effet, il abuse de Turtle de toutes les manières possibles. Malheureusement, la frontière entre l’amour et la haine, la passion et la violence est si fine que Turtle se laisse submergée par des sentiments antagonistes. Elle adule son père dont elle confond trop souvent les caresses mal placées pour des marques de tendresse et la torture psychologique pour de l’apprentissage. De toutes les manières, elle ne se sent pas digne d’autre chose.

C’est toute cette ambiguité que Gabriel Tallent sait si bien raconter. En vrai virtuose, il parvient à nous faire saisir l’indicible et l’abjecte. Il met en lumière différentes nuances et ne se contente pas de dresser un portrait naïf de la situation.

L’atmosphère oppressante de la maison de Turtle est contrastée avec la beauté sauvage des grands paysages américains. Une fois encore, Gabriel Tallent trouve les mots pour convoquer la magie, et ce même dans l’horreur.

Certaines scènes sont assez choquantes car criantes de vérité et il faut un peu s’accrocher, mais cela ne tombe, cependant, jamais dans l’excès.

Finalement, c’est en rencontrant Jacob, un jeune homme un peu plus âgé qu’elle que Turtle se met progressivement à remettre en question son mode de vie et à tenter, laborieusement, de se libérer non seulement de l’emprise de son père, mais également de la prison psychologique dans laquelle elle s’est elle-même enfermée.

En bref : Difficile de trouver les mots pour décrire un livre que l’on a tant aimé. Après avoir voulu garder ce titre un peu pour moi, j’ai désormais envie de le crier sur tous les toits : lisez « My absolute darling » et laissez vous submerger!

📖 La rencontre avec Gabriel Tallent 📖

J’ai eu la chance de rencontrer Gabriel Tallent à la Maison de la Poésie le 1er octobre dernier. L’auteur est vraiment passionné et passionnant. J’ai été bluffée d’assister à une lecture en VO de certains extraits du livre par ce dernier. C’était l’occasion de se rendre compte de l’importance du choix des mots, lesquelles résonnent comme les vers d’un long poème. La traduction française est très bien mais ne reflète malheureusement pas la beauté de la version originale en anglais.

C’était également l’occasion d’obtenir quelques réponses de l’auteur sur son livre. Je vous propose un petit résumé de la rencontre.

Quelles ont été vos sources d’inspiration pour écrire « My absolute darling »? 

Gabriel Tallent a commencé à écrire ce livre lorsqu’il était encore à l’université. S’il a mis 8 ans pour l’écrire c’est parce qu’il en existe deux versions. Dans un premier temps, il a été inspiré par la série de quatre poèmes intitulés « The Seasons » de James Thomson qui évoquent la beauté de la nature et des paysages qui changent au gré des saisons. Gabriel Tallent souhaitait donc initialement traiter du thème de la nature qui est malheureusement fragile et en danger. Il s’agit, en effet, d’un sujet qui lui tient à cœur car il est passionné de randonnée, d’escalade et malheureusement il constate chaque année la disparition de plusieurs hectares des paysages de son enfance (en raison du réchauffement climatique, des feux de forêts). En outre, une vague de « climato scepticisme » sévit aux Etats-Unis  il est donc essentiel selon lui de parler de l’environnement via les histoires. Dans cette première version, Turtle était déjà un personnage avec ses failles mais vraiment périphérique. Cependant, en raison de son expérience et de la douloureuse actualité aux Etats-Unis, il a décidé que l’histoire la plus importante était celle de Turtle. En effet, Gabriel Tallent connaît des jeunes hommes / femmes qui ont souffert d’abus. De plus, il a conscience que certains citoyens se « fichent » de ce qui arrivent à ces personnes. Preuve en est le juge Kavanaugh, en passe d’être nommé juge à la cour suprême, alors qu’il est accusé d’agressions sexuelles sur plusieurs femmes (or des sondages ont révélés que 54% des interrogés estiment que ce n’est pas « grave »). Dans cette seconde version la nature devient un troisième personnage et une allégorie de l’amour car au début de l’histoire c’est la seule expérience de l’amour que connaît le personnage de Turtle.

Pourquoi aborder le thème des abus en particulier ? 

Gabriel Tallent désirait écrire un livre qui dit l’indiscible pour permettre à certaines personnes victimes d’abus de se sentir moins seules, de lire une histoire où elles seraient enfin comprises. Le but de cette histoire est de mettre fin au sentiment d’étrangeté et de culpabilité que ressentent ces personnes (encore plus lorsqu’il s’agit d’inceste). Turtle, même si elle commet des erreurs au cours de l’histoire, est forte et on ne la perçoit pas uniquement comme une « victime ». Gabriel Tallent espère qu’un jour quelqu’un trouvera son livre sur une étagère poussiéreuse, le lira et y trouvera un personnage féminin fort.  Il souhaite que son/sa lecteur/rice se sente moins isolé(e) et comprenne qu’il est normal de commettre des erreurs dans ce genre de situation. Malheureusement l’auteur connaît des personnes dans son entourage qui ont subit ces situations et il est possible que nous en ayons également croisé sans avoir été capables de les identifier.

Pourquoi le personnage de Julia possède t-il deux surnoms « Croquette » et « Turtle » ?

Gabriel Tallent s’intéresse énormément au pouvoir des noms et surtout des surnoms sur les gens, lesquels peuvent avoir un réel impact sur le comportement et la personnalité.  Il a pu le constater avec les jeunes qu’il encadre parfois. Julia a donc deux surnoms : son père l’appelle « Croquette »  (« Kittles » en anglais c’est-à-dire la marque des croquettes pour chat) et elle-même se surnomme « Turtle » (c’est-à-dire tortue). Le surnom de « Croquette » est une référence au fait que lorsqu’elle était petite, elle a failli se faire manger par un puma. L’idée que véhicule son père avec ce surnom est donc qu’elle est comestible, absorbable et en constant danger dans le monde extérieur. Au contraire « Turtle » est une référence à ses qualités, car elle est patiente, magnagnime, silencieuse et est introvertie. C’est une manière pour elle de se créer sa propre personnalité loin de son père.

Turtle est victime d’abus pendant de longues années mais aucun des autres personnages ne semble le remarquer, pourquoi ?  

Malheureusement, c’est très souvent le cas et c’est d’ailleurs une question qui hante les personnes qui ont souffert d’abus : Est-ce que les autres savaient ou non ? Cela peut paraître fou que les autres ne se soient rendu compte de rien, mais d’un autre côté souvent les personnes qui ont souffert d’abus se sentent coupables, honteuses et ne parlent pas de ce qui se passe dans leur cellule familiale. En ce qui concerne le grand père de Turtle, est-ce qu’il savait ou non ce que subissait Turtle et pourquoi il n’a rien fait reste une question ouverte (comme la plupart du temps dans la vie).

Avez-vous fait des recherches pour écrire ce livre ? 

Comme tous les auteurs, Gabriel Tallent souhaitait être au plus près de la réalité. Il travaille beaucoup avec des jeunes. Il les écoute et comprend leurs souffrances. De même, en ce qui concerne les armes – omniprésentes dans le roman –  il en a utilisé pour être mieux à même de comprendre leur fonctionnement et de le décrire fidèlement. Gabriel Tallent raconte également avoir déjà mangé des scorpions quand il était plus jeune (dans le cadre d’un pari avec un ami) et avoir pêché des anguilles à mains nues.

Quel est le rôle des armes dans le livre ? 

Les armes sont très présentes dans l’histoire, mais le but de leur présence n’est pas du tout de défendre un point de vue politique car selon Gabriel Tallent, un roman n’est pas un objet politique. Le but était de coller à la réalité car les armes font partie de la société américaine. De plus, il s’agit d’une sorte de métaphore. En effet, Turtle en prend extrêmement soin, les nettoie constamment. Cela contraste avec le comportement de son père qui est incapable de prendre soin d’un objet ou d’une personne étant très impulsif, égoïste et dévoré par ses propres souffrances. A l’inverse, Turtle est très méticuleuse, elle souhaite se distinguer de son père, veut faire attention aux autres. En outre, cette obsession pour la propreté est également un moyen de se sentir mieux (plus propre et d’avoir une meilleure image d’elle-même).

Pourquoi le titre « My absolute darling »? 

Selon Gabriel Tallent, ce titre illustre bien l’ambiguité qui existe entre ce qui peut passer pour de l’amour et de l’affection mais qui est en réalité une très grande possessivité qui mène à une destruction psychique et physique. Le titre était dès lors une bonne façon de résumer l’ambivalence du livre.

Quel sera le thème de votre prochain livre ? 

Gabriel Tallent confie avoir rédigé la moitié d’un roman qui a pour thème principal le changement climatique et ses conséquences. Cependant, il veut rendre cette nouvelle histoire aussi passionnante pour les lecteurs que « My absolute darling » ce qui est loin d’être évident avec un tel sujet. Il sent que cela va lui nécessiter beaucoup de temps et d’efforts.

Je remercie une nouvelle fois Gabriel Tallent pour sa gentillesse et son bon coeur. 

Vous aviez entendu parler de ce livre? J’espère vous avoir donné envie de le découvrir. 

13 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Charlotte dit :

    Non je ne le connaissais pas, merci pour ta chronique ! Ça a l’air assez dur mais beau et profond.

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    1. Cosmic Sam dit :

      C’est exactement ça : dur mais tout de même beau. Je suis très contente de t’avoir permis de découvrir ce livre et peut-être donné envie de le lire 😉

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  2. J’avoue que j’en ai tant entendu parler que j’ai du mal à me lancer. Mais j’imagine que j’ai tort !

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    1. Cosmic Sam dit :

      J’ai peur de trop le vendre et que tu sois déçue suite à l’engouement autour de ce livre, mais il est vraiment très beau et fort! Lis le et tu me diras ce que tu en as pensé 😉

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  3. Kimysmile dit :

    Ta chronique donne super envie!

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    1. Cosmic Sam dit :

      Merci je suis ravie de t’avoir donné envie, c’est vraiment un livre puissant que j’ai adoré…

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  4. Marine dit :

    Ce livre m’a retourné les tripes et certains passages m’ont laissée assez mal à l’aise (les scènes de viol notamment). Pourtant je l’ai trouvé très beau !
    Dans la même veine je te conseille Dans la forêt de Jean Hegland, qui est magnifique également mais bien moins « dur »

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    1. Cosmic Sam dit :

      En effet certains passages sont durs (je pense également à ceux avec la jeune Cayenne), mais sans être cependant dans la surenchère. Merci beaucoup pour cette recommandation que je note précieusement !

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