Les Hauts de Hurlevent – Emily Brontë

Cela faisait un long moment que je souhaitais découvrir ce grand classique de la littérature anglaise victorienne. En effet, qui n’a pas déjà entendu parler du talent de l’avant-dernière des soeurs Brontë et de l’histoire d’amour passionnée de Catherine Earnshaw et d’Heathcliff ?

C’est en craquant pour les magnifiques éditions de la collection « Romans Eternels » que j’ai reçu ce livre culte (parmi une série d’une vingtaine d’autres romans qui ornent fièrement ma bibliothèque). Je n’avais donc plus d’excuse et je me suis plongée dans cette oeuvre.

Le livre : « Les Hauts de Hurlevent » (pour retrouver cette superbe édition c’est ici)

Crédit photo : L&T

L’autrice : Emily Brontë est une poétesse et romancière britannique, sœur des écrivaines Charlotte et Anne Brontë. Fille de pasteur, elle est la cinquième enfant d’une famille de six. Elle passera la quasi totalité de sa vie dans le presbytère de Haworth dans lequel son père officie. Elle perd sa mère très jeune et ses deux sœurs aînées de tuberculose. Elle se réfugie alors dans l’imaginaire. Elle crée avec ses sœurs et son frère un personnage imaginaire qu’ils mettent en scène dans divers contes. Emily a de gros problèmes relationnels avec le monde extérieur et deux tentatives de scolarisation sont des échecs. Elle devient, malgré tout, institutrice mais finit par abandonner son poste et sa fonction. En 1842, elle part en Europe, à Bruxelles, où elle apprend le français et le piano. À son retour, elle devient la femme de charge du presbytère et partage son temps entre écriture et promenade sur la lande. C’est la découverte des talents de poète d’Emily qui conduit les sœurs Brontë à publier, à compte d’auteur, un recueil de leurs poésies en 1846. À cause des préjugés de cette époque à l’encontre des auteurs femmes, toutes les trois utilisent des pseudonymes masculins, Emily devenant « Ellis Bell ». Toujours à compte d’auteure et toujours sous son pseudonyme, Emily publie ensuite en 1847 son unique roman, « Les Hauts de Hurlevent ». Il est considéré comme l’un des plus grands classiques de la littérature anglaise. Elle s’occupe aussi beaucoup de son frère devenu alcoolique à la suite d’une déception amoureuse. À l’enterrement de celui-ci (1848), Emily, sans doute déjà contaminée par la tuberculose, prend froid et refuse de se soigner. Elle meurt de la tuberculose la même année.

Le résumé : « Lorsque Mr Earnshaw ramène d’un voyage un enfant abandonné, Heathcliff, les réactions de ses enfants évoquent les orages qui s’abattent sur le domaine des Hauts du Hurlevent. Le fils Hindley n’accepte pas cet enfant sombre et lui fait vivre un enfer. La fille, Catherine, se lie très vite à lui, d’un amour insaisissable et fusionnel. Tous trois grandissent, dans cet amas de sentiments aussi forts qu’opposés. Heathcliff devient un homme sans scrupule, qui jure de se venger des deux hommes ayant empêché le déploiement de son amour : Hindley, le frère ennemi, et Edgar, le mari de Catherine. La destruction de ces deux familles et de leurs descendances constitue alors son seul objectif. Dans les paysages sauvages et immuables des landes du Yorkshire, les déchirements sont nombreux, et cohabitent dans une passion extrême et des tourments destructeurs… »

Mon avis : Il y a beaucoup de choses à dire sur « Les Hauts de Hurlevent », même si tout a probablement déjà été dit.

J’ai, tout d’abord, été surprise par le style que j’ai trouvé assez facile à lire et emprunt de modernité. Alors que je craignais des formulations ampoulées qui auraient pu compliquer la lecture, j’ai été ravie de ne pas en trouver.

On découvre un récit enchâssé qui nous est narré, sous forme de flashbacks, par Helen Dean, la domestique de M.Lockwood, le locataire d’Heathcliff.

M. Lockwood est issue de la bourgeoisie londonienne et a décidé de fuir l’agitation de la ville pour les joies paisibles de la campagne le temps de quelques mois. Il va pourtant rapidement déchanter en atterrissant aux Hauts de Hurlevent, le domaine du ténébreux Heathcliff. Alors que Lockwood s’attendait à une demeure douillette et à de longues promenades pastorales en charmante compagnie, il va, à l’inverse, se retrouver dans une masure sombre et battue par les vents, aussi mal accueilli que possible par une galerie de personnages irascibles et dénués de manière.

M. Lockwood cherche donc auprès d’Helen Dean, l’ancienne domestique de la maison, les raisons ayant poussé Heathcliff, cet homme aux apparences convenables à être si méprisable.

Le récit d’Helen nous fait remonter à l’enfance d’Heathcliff et couvrira toute sa vie de jeune adulte, durant laquelle il va tomber follement amoureux de l’insaisissable Catherine Earnshawn, sa soeur adoptive.

En effet, « Les Hauts de Hurlevent » est, avant toute autre chose, l’histoire d’un amour contrarié et passionnel. Je devrais même plutôt parler d’un amour destructeur car rien ni personne ne résistera à cette relation qui n’entrainera dans son sillage que misère et tourments.

On assiste alors à la vengeance implacable d’un homme qui décide de rendre le monde entier aussi misérable que lui, qui n’a pas réussi à posséder celle qu’il souhaitait avoir.

Pour beaucoup, il s’agit de l’une des plus belles histoires d’amour de la littérature. Pour moi, il s’agit d’une relation de dépendance affective malsaine et de la façon dont un homme torturé s’en sert pour justifier ses comportements violents et son absence totale d’empathie pour tout autre individu que lui-même.

S’il est vrai qu’on compte nombre de grandes déclarations habitées, sur fond de landes battues par les vents sous un ciel plombé et oppressant (la nature est, à ce titre, un personnage à part entière de l’histoire), je me suis, en revanche, laissée aller à mépriser chacun des personnages (à l’exception d’Helen, de M. Lockwood qui n’est là que pour recevoir le récit de la première, et d’Isabelle Linton).

Heathcliff est, bien entendu, le plus détestable de tous. Lors de son enfance, on ressent de l’affection pour ce petit garçon orphelin recueilli par un notable du coin. Moqué pour ses origines modestes et la couleur sombre de sa peau, rejeté par la fille qu’il aime et dont il se pensait l’alter ego, il va vite se laisser aller à des désirs de vengeance contre ses oppresseurs. Si ces derniers, sont, en premier lieu, compréhensibles, ils vont finir par le dévorer et le priver de toute humanité. Cette vengeance ne s’arrêtera devant rien, aura pour mots d’ordre malheurs et asservissement, et finira par transformer l’homme en vile créature bestiale.

Le personnage de Catherine ne m’a pas été plus agréable. Je l’ai, en effet, trouvé, manipulatrice et capricieuse. Elle aussi sombre dans ses aspirations égoïstes, peu important les personnes qu’elle blesse au passage.

Heathcliff et Catherine vivent dans leur monde, leur histoire prend toute la place, étouffe tout et tout le monde.

Les personnages de Cathy et Linton n’ont absolument pas sauvés la mise, pour moi, car je ne me suis pas attachée à la première, tandis que j’ai trouvé le second carrément insupportable.

La force du récit est, ceci dit, de savoir entraîner le lecteur et de lui faire ressentir de fortes émotions à la lecture. Une fois commencé, j’avais très envie de savoir comment tout cela allait bien pouvoir finir pour l’ensemble des personnages. Je déplore toutefois quelques longueurs. L’ouvrage de 300 pages aurait pu être allégé de certaines scènes et répétitions non indispensables.

Je reconnais que, pour l’époque, Emily Brontë a su écrire un ouvrage atypique et moderne, une histoire d’amour loin des convenances ordinaires et portée par des antihéros sans morale. La force de l’histoire est donc aussi sa faiblesse.

En bref : Les points forts des « Hauts de Hurlevent » sont : l’ambiance naturaliste (la lande mystérieuse parcourue par les fantômes du passé), la puissance des émotions décrites et l’originalité de mettre en scène des antihéros. Ses points faibles sont : le caractère détestable des personnages et les longueurs de l’histoire. Je suis, en tout cas, satisfaite d’avoir découvert ce classique qu’il faut, je pense, avoir lu au moins une fois pour sa culture littéraire.

Et vous, vous avez lu ce classique de la littérature ? Qu’en avez-vous pensé ? S’agit-il, pour vous, de l’une des plus belles histoires d’amour ?

18 commentaires Ajouter un commentaire

  1. J’en garde un bon souvenir, mais je l’ai lu à une époque où je n’étais pas forcément consciente des problèmes de dépendance et autres relations malsaines. Du coup, tu me donnes envie de le relire !

    Aimé par 2 personnes

    1. L&T dit :

      Peu de personnes partagent mon avis alors c’est peut-être moi qui suis passée à côté de quelque chose haha. En tout cas, je serai très curieuse d’avoir ton avis si tu te laisses tentée par l’idée de le relire!

      Aimé par 1 personne

  2. Crisanasam dit :

    Oui ce livre est un incontournable. je suis d’accord avec toi sur la modernité de l’écriture pour l’époque et pour la force des émotions . Les personnages sont détestables, certes, mais est ce un point faible du roman ou tout simplement une volonté de l’auteure ?
    En tout cas merci pour ton article et ton point de vue très intéressant. 🙂😍

    Aimé par 2 personnes

    1. L&T dit :

      C’est vrai que c’est un point faible sans en être réellement un car on éprouve beaucoup de sentiments contradictoires en lisant ce livre et c’est ce qui nous donne envie d’en poursuivre la lecture. Pour cela, Emily Brontë a bien réussi son coup. Mais j’ai du mal avec le fantasme qui s’est créé autour des « Hauts de Hurlevent » selon lequel ce serait l’une des plus belles histoires d’amour de la littérature. En effet, pour moi, il s’agit de deux personnages qui s’éprennent l’un de l’autre et vivent un amour destructeur et co-dépendant (ce qui n’est pas inintéressant en soi), mais c’est un amour qui rend ses protagonistes cruels envers tout le monde, violents et égoïstes (ceci dit, c’est peut-être l’une des critiques qu’a voulu faire Emily Brontë, elle qui a vécut recluse la plus grande partie de sa vie et qui ne s’est pas mariée…) En tout cas, il faut admettre que ce roman est source à discussions !

      Aimé par 1 personne

  3. cora85 dit :

    Tu es l’une des rares personnes à partager mon opinion !
    Je l’ai lu vers l’âge de quinze ans, et malgré mon côté très « fleur bleue » d’alors, Heathcliff m’a écœurée de par son comportement…et il fut loin d’être le seul, bien sûr ! Depuis, j’entends beaucoup de femmes affirmer qu’il est un rêve, un fantasme à leurs yeux…ce qui me rend très perplexe !
    À maintenant trente-six ans, je ne peux dire si j’aime ou non ce roman : c’est vraiment étrange !
    En adaptation, je te conseille vivement celle avec Tom Hardy.
    Voici un entretien qui peut séduire celles et ceux qui souhaitent découvrir cette histoire, ou s’interrogent sur elle : https://www.youtube.com/watch?v=sb-gtM7Qe3U

    Bon week-end !

    Aimé par 1 personne

    1. L&T dit :

      Je suis contente d’enfin pouvoir échanger avec quelqu’un qui a eu le même malaise en lisant ce livre haha. Je l’ai trouvé intéressant, moderne et perturbant, mais comme toi je ne comprends pas les femmes qui érigent Heathcliff en modèle masculin alors qu’il est violent et sans coeur (seule Catherine bénéficie de son amour, et encore, d’une manière un peu étrange). C’est assez inquiétant comme fantasme féminin ! Rien à voir avec le personnage de Darcy de Jane Austen, qui sous ses airs froids et calculateur, est, en réalité, un romantique prêt à plus de tolérance et d’ouverture d’esprit par amour. Dans « Les Hauts de Hurlevent » c’est tout l’inverse, l’amour avilie les personnages… Je ne savais pas qu’il y avait une adaptation avec Tom Hardy. Je suis curieuse de la découvrir ! Merci pour la vidéo avec l’entretien de Lydie Salvayre (ses propos sur la dimension politique et l’éloge de la folie sont très intéressants).

      Aimé par 1 personne

  4. Je ne l’ai encore jamais lu. Des sœurs Brontë, je n’ai lu que « Jane Eyre » que j’ai par ailleurs beaucoup aimé ^^ Cela dit, on ne va pas se mentir : malgré les caractères a priori détestables que peuvent avoir certains personnages, j’ai très envie de découvrir les œuvres des sœurs de Charlotte Brontë !

    Aimé par 2 personnes

    1. L&T dit :

      Je n’ai pas encore lu « Jane Eyre » mais il est dans ma bibliothèque depuis quelques mois. On a souvent comparé les deux oeuvres des soeurs Brontë d’ailleurs. J’ai vu l’adaptation cinématographique de « Jane Eyre » avec Michael Fasbender et Mia Wasikowska et leur histoire d’amour m’a semblé moins dérangée que celle d’Heathcliff et Catherine, mais il faudra que je le lise pour m’en faire une meilleure représentation 😉 N’hésite pas à me dire ce que tu as pensé des « Hauts de Hurlevent » si tu te lances dans cette lecture 😉

      Aimé par 1 personne

    2. cora85 dit :

      Je suis contente que la vidéo te plaise.
      « …intéressant, moderne et perturbant » : c’est exactement ça !
      Effectivement, je suis très loin de comprendre le fantasme autour de Heathcliff…
      « Jane Eyre » est l’un des meilleurs livres que j’ai lu ; je ne peux que te conseiller l’adaptation en saga du roman par la BBC en 2006 .
      Je te laisse avec un très bel article trouvé sur un site consacré aux Brontë : https://soeursbronte.wordpress.com/2011/03/24/degothiser-les-hauts-de-hurlevent/
      Très bonne semaine !

      Aimé par 2 personnes

      1. L&T dit :

        Merci pour toutes ces recommandations ! Je file découvrir cet article sur ce trio que je trouve fascinant. « Jane Eyre » est le prochain classique sur ma liste !
        Je te souhaite également une excellente semaine riche en découvertes littéraires 😉

        Aimé par 1 personne

      2. Merci beaucoup pour le lien, je le lirai quand j’aurai un petit moment =) Et je vais tâcher de trouver le film de la BBC, la bande-annonce donne envie !

        Aimé par 2 personnes

      3. cora85 dit :

        Avec grand plaisir !

        Aimé par 2 personnes

  5. flyingelectra dit :

    ah enfin ! un avis qui me ressemble ! j’ai détesté ce roman – j’ai tout de suite pensé à un mauvais soap opera brésilien ! Et j’ai aussi détesté tous les personnages. Je ne comprends pas son succès mais certains aiment sans doute la puissance des émotions et la lande battue par le vent. Mais bon je préfère largement Jane Eyre si on veut voir de la lande batture par le vent ! Pour le style, par contre, l’ayant lu en anglais (je lis couramment l’anglais) il n’est pas simple – surtout les dialogues des domestiques qui eux sont du parlé « local » – je le déconseille si quelqu’un veut se remettre à l’anglais par exemple – mais en français, ça doit passer !
    voilà, sinon j’adorrrreee Jane Eyre – la lande battue, le personnage sombre .. mais c’est tellement mieux ! bonne lecture

    Aimé par 2 personnes

    1. L&T dit :

      Je pense, en effet, que c’est cette exacerbation des sentiments et cet amour passionné, voire fou, qui en a fait vibrer plus d’un. Il est vrai qu’à l’époque il était assez révolutionnaire pour une femme d’écrire une telle histoire et je pense que la nouveauté et ce petit côté de scandale a contribué à son succès…
      Effectivement l’argot des domestiques (tout spécialement de Joseph et d’Harrenton) demande une concentration particulière, alors je n’imagine même pas en anglais!
      Vous êtes nombreux(ses) à me conseiller « Jane Eyre » qui a l’air de faire l’unanimité. Je vais bientôt le découvrir et, bien sûr, je vous donnerai mon avis par ici 😉

      J’aime

  6. Itinera Magica dit :

    J’adore le débat ! J’adore, j’adore ce livre. Un monument pour moi, gothique, torturé, passionnel, qui a hanté mon imagination. J’adore d’ailleurs la chanson de Kate Bush, Wuthering Heights, qui à mon sens traduit parfaitement l’atmosphère spectrale et écorchée du livre, avec les ululements poétiques de la chanteuse prenant les traits de Catherine « Heathcliff, it’s me, Cathy, I’ve come home, I’m so cold »… Je suis d’accord, ils sont malsains, toxiques, violents, mais contrairement à toi, je les ai adorés, tous, dans leur humanité tortueuse, leurs contradictions, leur drame – ils sont tous maudits, et je les aime pour cela…

    Aimé par 1 personne

    1. L&T dit :

      Merci pour cet avis passionné sur ce classique de la littérature! C’est vrai que ce livre met en scène les passions de l’âme humaine et pour cela il déchaîne lui-même les passions des lecteurs ! J’admire beaucoup Emily Brontë d’avoir réussi, bien avant son temps, à écrire un tel livre, elle qui vivait recluse et qui n’aurait jamais connu l’amour… Comme quoi on peut tout aussi bien en parler. C’est vrai que cette toxicité m’a dérangé et que je ne me suis pas laissée émouvoir par les personnages, mais je comprends complètement ton point de vue qui est partagé par de nombreux lecteurs. Merci pour la découverte de cette chanson que je ne connaissais pas du tout et qui permet de prolonger l’expérience littéraire!

      J’aime

    2. cora85 dit :

      La chanson de Kate Bush est magnifique, c’est vrai !

      Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.