Cheveux aux vents, tome 1 – Les échappées – Garance Solveg #Interview

Je remercie chaleureusement Garance Solveg pour l’envoi du premier tome de sa saga « Cheveux aux vents ».

Dès que j’ai appris qu’il s’agissait d’une histoire de femmes et de résilience publiée par un éditeur se présentant comme « militant » (Ex-Aequo), j’ai, en effet, été tentée par l’idée de le découvrir. Je vous dis ce que j’en ai pensé…

Le livre : « Cheveux aux vents, tome 1 – Les échappées »

Crédit photo : L&T

L’autrice : Garance Solveg est une romancière française. Elle partage son temps entre sa famille, sa passion pour l’écriture et son activité de juriste. « Cheveux aux vents – Les échappées » est son premier roman. Pour la suivre c’est ici et ici !

Le résumé : « Pour certaines femmes, la liberté se paye au prix du sang. Elles s’appellent Alma, Maïdann, Salomé. Elles sont jeunes. Belles. Pauvres. Dans la riche cité de Staven, elles travaillent comme petites mains pour une société pétrolière. Là, elles peuvent enfin rêver d’une vie meilleure. Une vie libérée de la domination masculine. Salomé, la délurée, économise pour ouvrir un jour son salon de beauté. Alma s’initie à l’art de la danse tandis que sa sœur, la sublime Maïdann, tombe éperdument amoureuse. Mais dans leur quartier, la colère des hommes couve : une femme ne travaille pas. Elle ne vit pas sans homme à ses côtés. Elle ne porte pas de pantalons, cache sa chevelure sous un chapeau noir. Les tensions montent peu à peu, attisées par l’inquiétant Seht. Nos héroïnes sauront-elles survivre à la terrible menace qui les guette? Tradition et modernité, désir et frustration, amour et haine s’affrontent dans un engrenage fatal. Jusqu’à un dénouement qui défie l’entendement. Porté par des personnages inoubliables, le premier volet de ce roman engagé sur la condition féminine vous captivera ».

Mon avis : Cette histoire commence à Belrem où l’on découvre Alma et Maïdann, deux sœurs inséparables. Les deux petites filles paraissent insouciantes et intrépides, mais le lecteur réalise vite qu’elles évoluent dans une société bien différente.

Austérité, patriarcat et mépris envers les femmes y règnent en maîtres, le tout sur fond d’oppression et de guerre civile.

Tandis qu’Alma et Maïdann grandissent, leur situation ne s’arrange pas. Leurs corps sont, à l’instar des autres jeunes femmes, cachés par de longues robes grises et épaisses, leurs cheveux par de grands chapeaux dont les larges bords dissimulent les visages. Nul ne doit les voir ou, pire encore, les désirer. Leur vie devra être dédiée à leur père, avant de l’être à leur mari et à leurs fils.

« C’était cela la première soirée de l’année ? Pas seulement un repas de plus sous la coupe de son père. Mais la conscience toujours plus aiguë de s’inscrire dans un cycle immuable. Le cycle du mépris. Servir les hommes. Se partager leurs restes. Se taire, assister au déclin sans cesse renouvelé de sa mère ».

Tandis que Maïdann subit tête baissée, Alma, la rebelle, ose affronter son père et rêver de liberté.

Alors que leur famille organise un mariage arrangé dont Maïdann sera la victime, Alma a la folle idée de s’enfuir sur les traces de Thaïs, une parente désormais reniée par les siens.

On prétend, en effet, que la proche métropole de Staven men Haagert serait développée. Riche d’un puits de pétrole – découvert par les autochtones qui ont été chassés, sans dédommagement, par l’Etat – la ville propose du travail aux migrantes au sein des sociétés d’exploitation pétrolière tenues par des étrangers.

C’était toutefois sans compter sur la misère (à peine dissimulée derrière les façades brillantes des sièges sociaux) et la misogynie profondément ancrée dans cette société.

On se demande alors si Alma et Maïdann vont parvenir à s’émanciper et à vivre leurs droits et désirs de femmes libres.

Le premier tome de « Cheveux aux vents » est relativement court (moins de 200 pages) et se lit très rapidement. Il plante bien le décor en nous présentant le cadre, les déplorables mentalités et les multiples personnages. Les descriptions sont vivantes et j’ai trouvé la plume de Garance Solveg imagère et agréable (j’ai, à ce titre, relevé plusieurs citations qui m’ont plu et que vous pouvez retrouver dans cet article). Cette facilité de visualisation m’a permis de rentrer dans l’histoire.

L’action monte crescendo et le rythme s’accélère dans le dernier quart du roman.

Je regrette, en revanche, que le format n’ait pas permis de développer davantage la psychologie, par ailleurs intéressante, des principaux personnages :

  • Alma, jeune fille un peu rebelle qui souhaite revendiquer ses droits et exprimer sa créativité, mais qui conserve, paradoxalement, des traditions conservatrices ;
  • Maïdann que l’on croyait soumise et qui va, finalement, prendre une certaine indépendance ;
  • Salomée, jeune femme à la chevelure et au tempérament de feu qui s’affranchit de tous ses carcans en adoptant le jeu de la provocation face à des hommes ultra conservateurs ;
  • Thaïs dont la féminité a été remise en question en même temps que sa maternité ;
  • Mais aussi Tiago (le bellâtre opportuniste), Dan (qui sous ses airs un peu bêta est rongé par l’amertume due à son infirmité) et évidemment Guthar et Seht (qui joueront un rôle important par la suite).

Il ne s’agit que d’un premier tome et nous en apprendrons sûrement plus sur certains de ces protagonistes par la suite. Je dois avouer que j’ai, toutefois, eu un peu de mal à m’identifier à eux (à l’exception d’Alma). J’aurais également aimé que les personnages masculins soient légèrement plus nuancés.

L’intrigue se déroule dans des villes imaginaires (Belrem, Staven men Haagert, Nydra, Wilmin City) dans lesquelles les femmes sont contraintes de se couvrir avec de grands chapeaux qui symbolisent leur assujettissement. Celles-ci sont haïes en raison de leur genre et parce qu’elles sont privilégiées à l’embauche par les expatriés. L’histoire a donc vocation à être une critique universelle de la façon dont la société traite encore les femmes. Ce premier tome est pourtant marqué par des éléments qui m’ont fait penser aux pays du Moyen-Orient ou de l’Asie mineure, gangrenés par les talibans (paysages et climat, nourriture, présence de puits de pétrole assiégés par les Américains, etc). Si je comprends que nommer un pays aurait privé l’autrice de sa liberté narrative et de la vocation universelle de son propos, je n’ai pas pu m’empêcher de relever cette dichotomie entre le réel et l’innommé, laquelle m’a parfois un peu gênée. Sur ce point, Garance Solveg m’a fait part de ses sources d’inspiration et des différentes références culturelles qui l’ont inspiré lors de l’écriture de ce premier tome. Cela m’a permis de mieux comprendre cette ambigüité entre fiction et réalité. Je vous renvoie à l’interview de l’autrice un peu plus bas.

Ceci étant dit, j’ai été bouleversée par la fin de l’histoire et je suis curieuse de découvrir la suite de « Cheveux aux vents » afin de savoir ce qu’il va advenir de ces femmes résiliantes et si souvent bafouées ! (Suite dont je ne manquerai d’ailleurs pas de vous parler).

En bref : J’ai pris plaisir à découvrir cette histoire de femmes. Cela nous rappelle que la lutte pour l’émancipation est loin d’être terminée! J’espère que le deuxième tome offrira l’indépendance à ces personnages féminins.

🌹 L’interview 🌹

Je remercie une nouvelle fois Garance Solveg qui a eu la gentillesse de répondre aux questions que je me posais sur son roman et son parcours !

Depuis quand écrivez-vous ?

« Depuis que je suis petite, j’ai décidé d’être écrivain. Ça m’a pris quand j’avais 6 ans et ça ne m’a plus jamais lâchée ! Je suis quand-même passée par quelques années de blocage.

J’ai fini par oser pousser la porte d’un atelier d’écriture. Ça m’a débloquée, mon projet de roman est né ».

Vous êtes juriste, ce qui est assez éloigné du métier d’écrivain, est-ce une voie vers laquelle vous souhaiteriez vous orienter à plein temps ?

« Un juriste écrit beaucoup, mais je vous accorde que la prose juridique est bien éloignée de l’écriture romanesque…

Mon activité de juriste est intéressante et j’ai la chance d’avoir des collègues formidables, qui me soutiennent d’ailleurs beaucoup dans mon travail d’écrivain !

Bien sûr, pouvoir écrire à plein temps serait un véritable rêve mais quand on débute, pas toujours évident de vivre de sa plume. Peut-être un jour, qui sait ?

En attendant, j’aime bien me dire que je suis mon propre mécène 😊 Je dois gérer les contraintes d’un emploi à temps plein, mais en contrepartie ma passion reste ma passion à 100%, sans supporter la pression de nous faire vivre financièrement, moi et ma famille ».

Comment avez-vous eu l’idée de la saga « Cheveux aux vents » ?

« Tout a commencé par des faits divers réels, que mon esprit a emmagasinés dans un coin sans penser à écrire dessus forcément. Des faits qui m’ont profondément choquée : des travailleuses d’une cité pétrolière en Algérie, lynchées par les hommes de leur quartier car accusées de se prostituer et de voler le travail des hommes. Une jeune femme violemment agressée au Lesotho pour avoir osé se promener en short. Le procès des tournantes de Fontenay-sous-Bois en France il y a quelques années, dans lequel les victimes ont été quasiment traitées en coupables.

Et puis un jour, lors d’un atelier d’écriture, Alma et Maïdann sont nées. Ou plus précisément, Maïdann est morte, car le premier texte que j’ai écrit pour le livre correspond à la fin du tome 1. Je n’avais pas pensé écrire un roman, et encore moins une saga, mais ces personnages ne m’ont plus lâchée ! »

Pourquoi une saga féministe ?

« J’ai toujours été sensible à tout ce qui touche à la condition féminine.

Et une chose m’a frappée : de tout temps, il y a eu des violences contre les femmes : des chasses aux sorcières du Moyen-âge aux tournantes et féminicides de l’époque actuelle. Les violences sont bien souvent justifiées par des accusations de mauvaise réputation : la sorcellerie, la prostitution… mais en réalité, c’est leur aspirations à la liberté qu’on fait payer à ces femmes.

Mon livre est une exploration moderne du thème de la chasse aux sorcières :

  • Des femmes jugées trop libres qui dérangent, par leur mode de vie, leur sexualité, leur manière de s’habiller, leurs aspirations et leurs rêves;
  • Les tensions et la violence qui montent peu à peu dans une communauté en butte à la pauvreté, aux frustrations, à des traditions patriarcales ;
  • La violence qui se cristallise contre celles qui menacent l’ordre établi par leur émancipation, et qu’on va accuser de tous les maux ».

Aviez-vous ciblé la maison d’édition, dite « militante », «ExAequo» ?

« Oui, tout à fait. Tout d’abord, Ex Aequo est un éditeur qui donne sa chance aux auteurs de premiers romans. La maison a d’ailleurs découvert des auteurs aujourd’hui reconnus tels que Fabio Mitchelli. Et surtout, j’ai pensé que mon livre pouvait s’inscrire dans leur démarche militante.

En effet, Ex Aequo a récemment publié Des têtes dans le désert, d’Isabelle Richard, un roman consacré aux meurtres de femmes dans la cité mexicaine de Ciudad Juarez, et donc traitant d’une thématique proche de celle de Cheveux aux vents. J’ai lu le livre, l’ai apprécié, et cela m’a confirmée dans ma décision de cibler cet éditeur ».

Je m’attendais à une histoire abordant de façon «universelle» les discriminations faites aux femmes. Pourquoi avoir plutôt choisi de situer l’intrigue dans une ville pétrolière qui peut faire penser à la situation géopolitique de certains pays du Moyen-Orient ou d’Asie mineure ?

« J’ai situé l’intrigue dans une ville pétrolière car un des faits divers dont je me suis inspirée s’y situait.

À vrai dire, ce décor de dunes, de sable et de torchères, sous une chaleur infernale, s’est tout de suite imposé à mon imaginaire. 

Mais les violences faites aux femmes ne sont pas l’apanage des pays du Moyen-Orient.

Et la thématique de la chasse aux sorcières est universelle, elle se retrouve dans toutes les cultures. De même que les tentatives de contrôle de la sexualité et de l’habillement des femmes.

C’est pourquoi, pour retranscrire cette universalité, le roman se déroule dans un pays qui restera non identifié, autour de repères chronologiques et géographiques fictifs. C’est aussi dans cette optique que j’ai fait le choix d’une diversité étymologique pour les noms de lieux et de personnages, et que mes héroïnes portent des robes et des chapeaux comme dans nos sociétés occidentales du 19e siècle ou comme dans certaines communautés mennonites encore aujourd’hui ».

Le tome 2 de « Cheveux aux vents » vient de sortir, avez-vous déjà d’autres projets littéraires ?

« Oui. Tout d’abord, continuer de développer mon blog https://revesdecriture.com/ dans lequel je partage des conseils et techniques pour aider les auteurs débutants à aller au bout de leurs projets de romans.

Et aussi, bien sûr, écrire de nouveaux romans car c’est un plaisir total pour moi 😊 J’ai déjà des projets sur le feu, dans des univers totalement différents de Cheveux aux vents – j’ai une admiration sans faille pour les artistes qui se renouvellent dans chacune de leurs œuvres, comme le cinéaste Denis Villeneuve ».

Merci à la romancière Garance Solveg ! N’hésitez pas à aller jeter un oeil sur son blog d’écriture qui offre plein de bons conseils. Et naturellement vous pouvez retrouver les deux tomes de « Cheveux aux vents » ici et ici.

Ce livre et le sujet y abordé vous tentent ? Vous avez d’autres histoires de femmes courageuses à me recommander ?

6 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Crisanasam dit :

    Merci pour cette découverte. Je suis tentée par ce roman qui met en valeur les problèmes toujours aussi actuels de la condition féminine . L’interview avec l’auteure est très intéressante et je ne manquerai pas de visiter son blog, belle initiative pour encourager l’écriture.

    Aimé par 1 personne

    1. L&T dit :

      C’est toujours un plaisir! Je suis contente de t’avoir fait découvrir cette primo-romancière. Je vous parlerai prochainement du deuxième tome de « Cheveux au vent » !

      J’aime

  2. Sujet très intéressant ! Je vais de ce pas aller chez mon libraire acheter ce livre, ton article m’a donné envie de le dévorer 😉

    Aimé par 1 personne

    1. L&T dit :

      Super ! Je suis contente que cette chronique t’ait donné envie de le lire à ton tour. N’hésite pas à me dire ce que tu en as pensé suite à ta lecture 😉

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.